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13 mars 2024

Des nouvelles de #Metoo au pays de l’inaction

Ce vendredi 8 mars 2024, les militantes parisiennes de #NousToutes ont occupé les marches de l’Opéra Bastille afin de rendre femmage[1] aux plus de 900 victimes de féminicide sous la présidence d’Emmanuel Macron.

A Nantes, depuis 3 ans, les militantes de NousToutes44 rendent femmage chaque fin d’année aux victimes de féminicides de l’année écoulée, via un die in afin de les rendre visible dans l’espace public.

Grande cause du quinquennat

En effet, malgré le fait que la lutte contre les violences faites aux femmes ait été déclarée grande cause du 1er quinquennat de M. Macron, promesse réitérée en 2022, il faut constater que les chiffres des violences sexistes et sexuelles ne baissent pas : hausse de 15% des victimes de violences conjugales en 2022. Certains considèrent que la hausse de ce chiffre reflète une meilleure prise en compte de ces violences par les pouvoirs publics. Les témoignages et les études montrent cependant de réelles défaillances dans la prise en charge des victimes. Conséquence, de nombreuses femmes choisissent encore et toujours de ne pas porter plainte, découragées.

Inter Orga féminicide : dépasser le cadre conjugal

En 2023, le ministère de l’intérieur a comptabilisé 94 féminicides, soit une hausse de 20% par rapport à l’année 2022. L’interorga féminicides (IOF), composée de 4 organisations (Acceptess-T[2], la Fédération Parapluie Rouge[3], les Dévalideuses[4], #NousToutes[5]), décompte quant à elle au moins 134 féminicides dont 97 féminicides conjugaux.

Comment expliquer une telle différence ? Le chiffre avancé par le ministère de la justice se restreint aux meurtres de femmes par conjoint ou ex-conjoint. La définition du féminicide faite par IOF se veut plus large : meurtre ou suicide forcé d’une femme en raison de son genre, quel que soit son âge ou les circonstances, même en dehors du cadre conjugal. Très souvent, nous nous trouvons au croisement d’autres systèmes d’oppression notamment du racisme, sexisme, classisme, validisme, psychophobie, LGBTQIA-phobies, grossophobie, âgisme, putophobie, sérophobie, islamophobie, antisémitisme, xénophobie.

Féminicide validiste à Saint Herblain

Le 10e féminicide de l’année 2024 comptabilisé par IOF montre très bien cette différence. Lundi 15 janvier 2024, à Saint-Herblain, une femme de 28 ans a été tuée par son père, qui s’est suicidé par la suite. Dans la lettre qu’il a laissée, il explique cet « acte de courage » par sa souffrance depuis le décès récent de sa femme et qu’il ne souhaitait pas laisser la charge de sa fille handicapée mentale à ses autres enfants. S’il s’agit bien d’un féminicide validiste, les différentes coupures de presses parues ne le mentionnent pas, certains journaux même parlant de « drame familial ». Cet euphémisme perpétue un discours sexiste, invisibilise les violences et participe à la déresponsabilisation de l’auteur du crime[6].

Féminicide : dernier échelon du continuum des violences sexistes

Le féminicide constitue le dernier échelon du continuum des violences sexuelles et sexistes (VSS). Ce concept explique que l’ensemble de ces violences dont font l’expérience les femmes et minorité de genre, de la blague sexiste au féminicide, sont liées entre elles : les plus petites autorisant les violences du dessus.

Cela constitue la culture du viol, définit par #NousToutes comme l’ensemble des éléments banalisant les violences sexistes et sexuelles et qui font qu’on les tolère lorsqu’on y est confronté : images, stéréotypes etc.

Les français et la culture du viol

Au mois de février 2024, l’Ifop a réalisé pour le magazine ELLE une enquête mesurant l’opinion publique sur le mouvement #MeToo en France, notamment sur les affaires le plus médiatisées[7]. Si l’on peut constater une certaine évolution des mentalités, 79% des français disant éprouver de l’empathie pour les femmes qui dénoncent les violences sexuelles infligées par les hommes de pouvoir, la compréhension des mécanismes rendant possible ces violences laisse encore à désirer. Ainsi, seulement 51% des français sont d’accord avec l’affirmation selon laquelle les productions culturelles actuelles, notamment le cinéma, continuent de normaliser les relations entre hommes adultes et adolescentes.

Dépasser la culture du viol

La contribution des productions culturelles à la construction ou au maintien de représentations dominantes qui banalisent ou minimisent le sexisme et les violences sexistes et sexuelles semble donc encore faire débat. La culture du viol, pourtant omniprésente, semble être encore invisible pour une majorité de français. Pourtant, la lutte contre les féminicides passe par une remise en cause de ces modèles de pensée qui forment le terreau des violences faites aux femmes et aux minorités de genre.

Une solution : plus de moyens !

Pour mettre fin aux féminicides, il convient de s’attaquer aux racines des VSS et à leurs effets dans la société. Il faut surtout y mettre les moyens : en 2023, #NousToutes demandait la mise en place d’un budget minimal de 2,6 Mds d’euros pour la lutte contre les violences de genre et l’adoption de politiques publiques adaptées. Le collectif considère que ces politiques publiques doivent s’articuler autour de 3 axes : la prévention des violences de genre, l’accompagnement et le soutien des victimes ainsi que la garantie à l’accès équitable des droits fondamentaux de toutes et tous.

Le zéro pointé du gouvernement

Aujourd’hui, l’inaction publique, l’inaction du gouvernement est la principale cause du fait qu’autant de femmes continuent de mourir en raison de leur genre. Et ce n’est malheureusement pas prêt de changer vu les coupes à la tronçonneuse prévues dans l’ensemble des services publics (-10 milliards en 2024) par le Ministre de l’économie Bruno Le Maire. Aurore Bergé, Ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, après avoir fini bredouille de sa chasse aux sorcières des associations féministes apportant leur soutien aux femmes palestiniennes, souhaite quant à elle lancer dans les prochains mois un « appel à témoignage » sur les VSS. A croire que #Metoo n’a jamais existé.

[1] Féminin d’hommage

[2] Association parisienne de son nom complet « Actions Concrètes Conciliants : Education, Prévention, Travail, Equité, Santé et Sport pour les Transgenres »

[3] Fédération composée d’associations et collectifs de santé communautaire et/ou défendant les droits des travailleur·se·s du sexe (TDS) en France

[4] Association visant à représenter les voix des femmes handicapées dans toute leur diversité, tout en contribuant à rendre publiques et à défendre les problématiques qui leur sont propres

[5] Collectif féministe dont l’objectif est d’en finir avec les violences sexistes et sexuelles dont sont massivement victimes les femmes et les enfants en France.

[6] A ce sujet, lire « Préparer vous pour la bagarre : Défaire le discours sexiste dans les médias » de Rose Lamy.

[7] IFOP, mars 2024, #MeToo en France : Le regard des Français sur les affaires les plus médiatisées


Pauline BUNEL

Juriste et Militante pour la Justice Sociale

Pauline Bunel est née en 1994 à Nantes. Son engagement trouve sa source première par son aversion pour les inégalités de tous types et sa volonté de défendre les droits des travailleurs, ce qui l’a poussé à devenir juriste en droit social. Pauline a franchit le pas du militantisme il y a maintenant 2 ans, luttant activement contre les violences sexistes et sexuelles dans une association féministe ainsi que pour la protection des acquis sociaux au sein de la France insoumise. Aujourd’hui collaboratrice parlementaire, elle met ses compétences au service des causes qu'elle défend avec ardeur.

© 2024 FAIRE MIEUX - TOUS DROITS RESERVES

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