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13 mars 2024

Criminaliser ou soigner la toxicomanie ? Un choix national et local

Criminaliser la toxicomanie, une politique de nain

Pas une semaine sans que le ministre de l’Intérieur ne s’autocongratule sur les réseaux sociaux des « résultats » des opérations de police contre les trafics de drogue, surfant sur la moindre saisie, y compris les plus dérisoires.

Ah, comme il est plus facile de se faire mousser en criminalisant les consommateurs pour alimenter une politique du chiffre à peu de coûts plutôt qu’en luttant contre le crime organisé ! Qu’il est aisé d’orchestrer ce cirque médiatique en mettant toujours plus avant les enjeux de sécurité au détriment des enjeux de santé publique !

C’est ainsi que Darmanin, lors de son déplacement à Marseille en janvier dernier, gonflait son petit torse pour mieux masquer son impuissance face au narcotrafic :« Les premiers responsables de cette situation, ce sont les consommateurs. S’il n’y a plus de consommateurs, il n’y a plus de vendeurs. C’est celui qui fume son joint et qui prend son rail de coke, parfois dans les beaux quartiers de Marseille, qui fait naître ces règlements de compte ».

Beau choix assumé de faire porter la priorité sur la lutte contre les deals de rue et la chasse aux toxicomanes plutôt que sur le démantèlement des filières internationales de trafic de stupéfiants. Serait-ce pour mieux faire oublier la destruction de la police judiciaire ?

Et vive les amendes forfaitaires délictuelles, qui contrairement à un véritable investissement dans les services de police et de santé publique, rapportent du chiffre et des finances à court terme ! Vive la communication !

Peu lui importe que derrière les statistiques et ceux qu’il nomme des consommateurs se cachent des individus en proie à la maladie dévastatrice qu’est la toxicomanie. Peu lui importe que la toxicomanie soit une maladie. Peu lui importe qu’une dépendance physique et psychologique à des substances nocives ne se soigne pas par des amendes ou de la prison. Peu lui importe qu’au sein du service public de santé en voie de clochardisation galopante, celui de la santé mentale soit le domaine le plus sacrifié.

Soyons localement responsables

Bien aidés par les gesticulations du gouvernement et les caisses de résonnance médiatiques, nous sommes trop souvent tentés de voir les toxicomanes uniquement comme des délinquants, oubliant qu'ils sont d'abord et avant tout des malades qui nécessitent soutien et traitement. Aussi, en parallèle de la lutte contre la criminalité organisée et le trafic de stupéfiants, il est impératif de garder à l'esprit que les consommateurs de drogue sont des membres de notre société qui ont d’abord besoin d'aide. Il est impératif de distinguer le travail des forces de l’ordre de celui des soignants.

Lorsque nous nous contentons de discours sécuritaires sur la toxicomanie, nous ignorons les racines profondes de ce fléau. Il ne s’agit pas seulement d’un problème de criminalité ou de sécurité publique, mais également d’un problème de santé publique et de bien-être social. En nous focalisant uniquement sur la répression et la criminalisation, nous négligeons les besoins fondamentaux des toxicomanes : l'accès à des soins de santé de qualité, à un soutien social et à des opportunités de s’en sortir.

Aussi, être politiquement responsable exige d’aborder la toxicomanie comme une maladie en adoptant une approche axée sur la santé publique plutôt que sur la répression. C’est proposer aux toxicomanes l’opportunité d’un chemin vers la réintégration sociale, en agissant pour transformer des vies et renforcer notre société. C’est commencer par reconnaître que la toxicomanie est souvent le symptôme de problèmes plus vastes et plus profonds au sein de notre société. La pauvreté, la discrimination, le traumatisme et l'isolement social sont autant de facteurs qui contribuent à la spirale de la toxicodépendance. En nous attaquant uniquement aux symptômes sans nous intéresser aux causes sous-jacentes, nous condamnons des personnes au cercle vicieux du désespoir et de la marginalisation.

Développons les « salles de shoot »

Regarder en face le fléau de la drogue qui sévit à Nantes comme ailleurs, impose de discuter, sans tabou, de ce choix à faire ensemble.

Expérimentées en France depuis 2016, les salles de shoot ou salles de consommation à moindre risque (SCMR) sont des installations sûres où les toxicomanes peuvent consommer des drogues de manière sécurisée et sous supervision médicale, sans craindre les dangers de la rue et sans mettre autrui en danger. En fournissant un accès à des équipements stériles et à une supervision médicale, ces structures sauvent des vies, réduisent les risques de transmission de maladies infectieuses. En outre, en concentrant la consommation de drogues dans des lieux spécifiques, ces salles contribuent aussi à réduire la criminalité et l’insécurité, comme le montre le rapport de l’INSERM de mai 2021 (inserm-rapportsalleconsomoindrerisque-mai2021.pdf).

Investir dans ces initiatives de santé publique, c’est donc investir dans l'avenir de notre société. Car les salles de consommation à moindre risque ne sont pas seulement des lieux de consommation de drogue, mais de véritables oasis de soutien et d'espoir pour ceux qui luttent contre la toxicomanie, associant personnels de santé et accompagnement social.

En construisant le projet d’installation d’une salle de consommation à moindre risque à Nantes, nous choisirions donc à la fois le soin et la sécurité, la santé publique et la sécurité pour tous. Le vrai courage politique, ce n'est pas de détourner les yeux de la réalité de la toxicomanie en criant à la délinquance, mais d’y faire face. Ensemble, nous pouvons construire un monde où chaque individu, quel que soit son passé ou ses luttes, a la possibilité de se rétablir. Et ça commence ici.

Marina FERRERUELA

Professeure Documentaliste et Militante Féministe

Marina Ferreruela, avec son parcours riche en engagements sociaux et pédagogiques, se dédie à la lutte contre les inégalités et à la promotion de l'éducation populaire. Son expérience en enseignement du FLE et son soutien aux mineurs isolés témoignent de son engagement pour l'inclusion et la justice sociale. Collaboratrice parlementaire et militante à La France Insoumise, elle met sa passion pour la philosophie et l'éducation au service d'un avenir plus juste et égalitaire.

© 2024 FAIRE MIEUX - TOUS DROITS RESERVES

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