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23 sept. 2024

Meres au travail : Et l'arnaque du conge de naissance

En matière de droits parentaux, les droits des hommes, des pères, ne cessent d’augmenter. Ironiquement, la situation des mères (souvent au nom de l’égalité homme/femme) est passée proche de subir à nouveau un revers à la vue de toustes. Cette tentative de revers, c’est le nouveau congé de naissance annoncé en début d’année 2024 par Emmanuel Macron et Aurore Bergé. Un congé de naissance plus court que l’actuel, mais dont la principale nouveauté est qu’il se voulait mieux rémunéré. Une fois les petites lignes du projet étudiées, c’était surtout un beau recul social pour les femmes qui apparaissait.

Cette réforme, qui aurait dû être votée en fin d’année 2024, a été suspendue par la dissolution de l'Assemblée Nationale. Impossible donc d’affirmer si celle-ci verra le jour ou non. Il est quand même important de s'y attarder, à la fois pour se préparer si la réforme est remise sur la table par le nouveau gouvernement, mais aussi pour savoir quelle contre-réforme la gauche peut proposer pour réellement améliorer la situation sociale des mères au travail.

Concilier retour à l’emploi et parentalité à son rythme

Le congé parental d’éducation, qui aurait pu disparaître en 2025 au profit du congé de naissance, permet de rester à la maison avec son ou ses enfants pendant 1 à 2 ans. Il est pris par 14% des mères et 1% des pères. Une troisième année est même possiblement prise par le second parent.

Ce congé est très mal rémunéré. Mais, il présente deux avantages. Le premier, si l’on suit la philosophie gouvernementale, est de garantir à la personne en congé parental de retrouver son poste au bout de ce congé. Cette mesure ne fait pourtant pas barrière à une discrimination des mères lors de leur reprise de poste (1). Les récits de femmes mises au placard à l’annonce d’une grossesse ou au retour d’un congé maternité sont encore légion. Camille raconte, au micro de Clémentine Galey pour le podcast Bliss Stories (2), le harcèlement qu’elle a subi jusqu’à sa démission. Son récit poignant est hélas presque une routine dans le monde de l’entreprise.

La seconde raison, et bien, c’est de permettre aux parents de pouvoir accompagner son enfant au cours des premières années de sa vie. 23% des mères selon l’Insee ont réduit leur temps de travail à l’arrivée d’un enfant, 36% à l’arrivée d’un deuxième (3). Je fais partie de ces mères. Pourtant, jamais je n’ai perdu de vue mon envie d’avoir un emploi. Fait-on des enfants pour perpétuer le système des retraites ? Ou pour des raisons qui ne vont pas dans le sens du monde du travail ? Faire des enfants n’a jamais permis de développer son pouvoir d’achat. J’invite le premier couple à avoir enfanté dans le but d'œuvrer au réarmement démographique à me lancer sa première couche sale.

Oui, un certain nombre de femmes se sont éloignées de l’emploi pour prendre ce congé. Quelques pères également. Trop peu. Par envie de rester auprès de son/ses enfants ou pour pallier un problème de garde, dans 13,7% des cas selon l’Insee. Mais aussi pour prolonger le temps passé auprès de ce petit être dépendant qu’on appelle un enfant. Pour prolonger un allaitement aussi. Car maintenir un allaitement sur son lieu de travail relève là aussi d’un vrai combat féministe qui mériterait un peu plus de soutien et de reconnaissance.

Toujours pas de place en crèche et aucune autre solution pour y pallier

Prendre un congé parental, c’est renoncer à son salaire, au profit d’une allocation de 446 euros versée par la CAF. L’équivalent d’un RSA. Mais elle permet de ne pas rompre pour un futur retour à l’emploi, et surtout… elle offre le choix ! Un luxe dans ce monde nébuleux qu’est la parentalité d’un jeune enfant. Elle offre le temps de se poser, la possibilité de changer d’avis.

En 2020, l’Insee nous apprend que 66% des salariées (4) d’un enfant de moins de 3 ans éprouvent des difficultés à concilier vie personnelle et vie professionnelle. Et on les comprend.

Le rythme de vie d’un enfant ne se calque pas sur un emploi à 35h. Le rythme d’un bébé est fluctuant. Rares sont les bébés de 6 mois qui dorment plus de 5 heures d'affilée. Et beaucoup, encore, se réveillent jusqu’à deux ans, une ou plusieurs fois par nuit.

Plusieurs mois de nuits hachées, l’allaitement nocturne (que bébé soit nourri au sein ou au biberon), la récupération du corps après l’accouchement, auxquels on ajoute des journées de 7 heures de travail. L’expérience se fait déjà dans la douleur pour beaucoup de femmes ; ajouter quelques semaines de plus auprès d’un bébé ne lui permettra pas une reprise plus sereine. La santé d’un tout petit bébé qui découvre la collectivité a aussi une forte influence sur la qualité de vie d’un parent qui retourne à son emploi.

Pour toutes ces raisons, le congé parental actuel est une vraie possibilité d’aménager son confort de vie. Une possibilité de prendre soin de sa santé mentale dans cette période particulièrement intense où une mère se suicide toutes les trois semaines (5) faute de soutien.

Une mesure qui se fait sur le dos des femmes

La nouvelle formule du congé de naissance qui était proposée par le gouvernement de Macron aurait fait disparaître ce choix. La communication du gouvernement et la plupart des grands médias ne l’ont que trop peu mentionné. Un congé mieux rémunéré, un congé plus juste au niveau de l’égalité, une mesure pour rehausser la natalité. Voilà ce qui était scandé depuis janvier. Les voix qui ont pointé du doigt les défauts de ce projet étaient bien trop peu nombreuses, même si leurs analyses furent plutôt justes.

On nous vendait la possibilité de rester 6 mois avec son enfant en plus du congé maternité et paternité. A raison de 3 mois pour la mère, et de 3 mois pour le père. Pour le père, c’est une augmentation de ses droits, à n’en pas douter. Au vu de la différence encore flagrante des salaires qui existent entre les hommes et les femmes, on comprend facilement que pour des raisons financières, les hommes soient moins enclins à prendre un congé parental.

Pour la mère, ce nouveau congé aurait voulu dire être dans l’obligation de reprendre son emploi avant les 6 mois de son enfant pour pouvoir conserver son poste. Les seules autres alternatives étant de renoncer volontairement à son poste, et donc de sortir des chiffres du chômage, ou devenir assistante maternelle. Elle perdait donc avec cette réforme le choix de reporter son retour à l’emploi. Un choix qui peut aujourd’hui aller jusqu’à 18 mois.

Un tour de passe-passe politique

Ce nouveau congé souhaitait encourager les hommes à s’impliquer dans la parentalité.

L’intention est louable. En 2023, une enquête de la DREES (6) notait qu’encore 35% des pères ne prenaient pas les 25 jours de congés paternité auxquels ils ont droit. Alors, oui, avec un congé parental mieux rémunéré (mais sur une période de trois mois au lieu d’un an pour le congé actuel), les pères pourraient bien mettre un peu plus la main à la pâte. Mais soyons lucide. Lorsque les difficultés à trouver un moyen de garde se feront sentir (rien n’évolue vraiment de ce côté à part les rapports signalant un système de crèches à bout de souffle (7)), ce ne sont pas les hommes qui sortiront du marché du travail pour s’occuper de leur progéniture, mais bien les femmes dans la plupart des cas.

Une politique pour encourager la natalité. Pardon, mais sur ce point, je n’ai toujours pas compris. Comment un gouvernement qui a abandonné sa politique des “1000 jours blues” (qui soutient les mères contre la dépression post-partum), qui par dépit permet aux crèches d’employer du personnel non qualifié (8), qui laisse la baisse du nombre d’assistantes maternelles s’installer (9), qui ne soutient pas les familles à prolonger leur allaitement lors de leur retour en emploi, peut être considéré comme sincère dans cet engagement ? Rien dans cette mesure qu’était le nouveau congé de naissance, ne pouvait encourager une famille à prendre l'engagement d’une vie qu’est de devenir parent. Et pour cause, cette mesure, c’était davantage aux caisses de l'État qu’elle allait profiter.

Car oui, finalement, c'était là, la vraie finalité de ce projet. Ce n’était pas d’aider les femmes à retrouver facilement un emploi, ce n’était pas d’encourager les hommes à s’investir davantage dans la vie de leur enfant. Elodie Safari, journaliste pour Arrêt sur image, révélait dans un article (10) qu’entre 2014 et 2022, lorsque les femmes ont perdu la possibilité de prendre une troisième année de congé parental au profit de leur conjoint, l’Etat avait réalisé une économie de 1,2 milliard d’euros. Une économie réalisée grâce aux hommes, et sur le dos des femmes. Alors s’il n’est pas possible de chiffrer exactement ce que cette mesure aurait fait économiser à l’état au vu du flou des annonces, on peut malgré tout imaginer qu’il n’aurait pas perdu au change.

Donnez-nous le choix !

Il y a eu cette discussion que j’ai eu avec un couple. Ils m'expliquent qu’ils n’avaient pas trouvé d’autres solutions avec leurs employeurs que de poser en avance tous les RTT d’une année, ainsi que tous leurs congés pour trouver une solution de garde en attendant la rentrée. Une autre fois, un couple m’a raconté que l’un travaillait de jour et l’autre de nuit afin de pouvoir s’occuper de bébé faute de moyen de garde.

Moi-même, je suis venue travailler avec ma fille à ma boutique pendant un bon mois, le temps de trouver une solution un peu plus viable. A jongler entre les siestes, les moments d’allaitement, les échanges avec la clientèle attendrie de ce tout petit nourrisson en porte-bébé. Mais je cachais une fatigue immense de devoir jongler avec tout ça.

J’ai travaillé dans une boutique de puériculture pendant 5 ans. Et ces discours-là, je les ai entendus pendant 5 ans. Ils n’ont rien de normal. Car diminuer la durée du congé parental pour mieux le rémunérer n’est pas la solution à nos maux.

Pourquoi ne pas proposer les deux congés, ensemble. Certes, c’est une proposition très imparfaite, mais avec un peu plus de sens. Un congé court et mieux rémunéré ou un congé plus long. Chacun fera le choix qui lui convient.

Donnez-nous la possibilité de choisir comment nous voulons voir nos enfants grandir. Un autre bout de la solution serait de permettre aux femmes d’être davantage soutenues dans leur retour à l’emploi. Retour progressif, soutien des RH, revalorisation salariale, politique de soutien de l’allaitement (oui, je vais insister là-dessus encore un peu car elle offre bien des avantages dans la santé des femmes et des nourrissons et réduisent l'absentéisme au travail (11)). Et puis une politique de mode de garde plus accessible via un meilleur soutien des professionnels de la petite enfance.

Là, on commence à voir le début de quelque chose. Et il y a du pain sur la planche.

Margaux Chevalier-Vasseur


(1) - Podcast « Reprise après un congé mat : quand le bureau devient hostile » de Welcome to the Jungle : https://www.welcometothejungle.com/fr/articles/reprise-apres-conge-maternel-quand-bureau-devient-hostile

(2) - Podcast « Camille, mère discriminée au travail » par Bliss-Stories sur Deezer : https://www.deezer.com/fr/episode/325420892?host=0&utm_campaign=clipboard-generic&utm_source=user_sharing&utm_content=talk_episode-325420892&deferredFl=1

(3) - INSEE, chiffres sur l’inégalité d’impact d’un enfant sur l’accès à un emploi entre femmes et hommes : https://www.insee.fr/fr/statistiques/:~:text=Au total, environ un père,partiel ou à temps plein.

(4) - INSEE, chiffres sur la différence de retour à l’emploi entre femmes cadres et ouvrières : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4465360

(5) - Article Le Point du 04/04/2024 : https://www.lepoint.fr/societe/le-suicide-premiere-cause-de-mortalite-maternelle-et-une-hausse-du-nombre-de-suicides-est-a-craindre-04-04-2024-2556799_23.php

(6) - DREES, étude sur les  évolutions de prises de congés paternité et maternité entre 2013 et 2021 : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse/etudes-et-resultats/premiers-jours-de-lenfant-un-temps-de-plus-en

(7) - Article de La Dépêche du 28/05/2024, sur les défaillances du système des crèches : https://www.ladepeche.fr/2024/05/28/creches-moins-de-qualite-manque-de-moyens-systeme-a-bout-de-souffle-que-contiennent-les-rapports-rendus-par-les-deputes-11979179.php

(8) - Article de France Bleu du 31/08/2024, sur la possibilité pour les crèches de recruter du personnel non diplômé : https://www.francebleu.fr/infos/societe/les-creches-peuvent-desormais-recruter-des-personnes-non-qualifiees-pour-pallier-la-penurie-de-1661927375

(9) - Observatoire National de la Petite Enfance, rapport 2023 : https://www.caf.fr/sites/default/files/medias/cnaf/Nous_connaitre/Recherche_et_statistiques/Onape/CNAF_ONAPE_2023_OK.pdf

(10) - Article d’Arrêt sur Image du 27/01/2024, chronique d’Élodie Safaris sur l’enfumage du congé de naissance : https://www.arretsurimages.net/chroniques/calmos/conge-de-naissance-enfumage-et-complaisance-mediatique

(11) - Programme National Nutrition Santé, rapport sur l’allaitement maternel : https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/allaitement.pdf?TSPD_101_R0=087dc22938ab2000a9d44b029838297d309671d7850244393e44ad693890ce14f37ad48f590b6b51081df092af14300043eba3b6fcb227ae114111148fffe05a31efa659bf9c280f303abf5bae6c8c2cdb88049fd169f47f3cff3cbf0c5e7614


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