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3 juin 2024

L’extreme droite a la (re)conquete de la fac

On assiste depuis quelques années à un essor d’organisations qui portent et diffusent les valeurs de l’extrême droite dans les universités françaises. Ces structures bénéficient de relais médiatiques et politiques pouvant aller de la droite dite “républicaine” jusqu’à l’extrême droite.

L’UNI, de la droite extreme a l’extreme droite

L’UNI (Union National Inter-universitaire) est le vilain petit canard des organisations représentatives étudiantes depuis 1968. Fondée pour montrer une alternative aux mouvements étudiants de mai 68 et en soutien à De Gaulle, elle n’a cessé d’évoluer en parallèle des organisations de la “droite traditionnelle”, servant de succursale en fournissant de nombreux collaborateurs et de futurs élus. Les députés UMP utilisaient la réserve parlementaire (supprimée en 2017) pour verser des dizaines de milliers d’euros à l’organisation et pour y financer l’implantation de nouvelles sections dans les facs (le Parti Socialiste faisait la même chose avec l’UNEF, syndicat historique de gauche).

Comme la droite, l’UNI a connu un tournant ces 10 dernières années. Ils ont développé une obsession presque maladive du “wokisme”, de “l’islamo-gauchisme” et de “l’intersectionnalité” qui sont pour eux les symboles du “monopole idéologique de l’extrême-gauche à la fac”. Ils promeuvent “l’excellence”, le “mérite” même si ces dernières années c’est plutôt la lutte contre “l’extrême-gauche” qui les obsèdent et qu’ils mettent en avant.

Leur méthode d’action est assez rodée. Vu qu’ils ne peuvent tenir un stand ou un tractage sans être délogés ou un minimum dérangés, ils vont provoquer, filmer ou enregistrer puis rédiger un communiqué envoyé à toute la presse de droite et d’extrême droite. Le contenu va ensuite être relayé sur les réseaux sociaux par le compte national de l’UNI et par les comptes d’extrême droite comme Fdesouche (compte X qui se dit faire de l’information mais qui se concentre quasi-uniquement sur les faits divers servant les discours des fachos). Ils vont également être partagés par des élus de droite allant de LR jusqu’à l’extrême droite (Rassemblement National et Reconquête).

Parce que marginaux, ils doivent en permanence provoquer pour exister. A Nantes, leur stratégie ne mène à rien. L’organisation stagne en nombre de voix depuis des années. Dans les instances, leurs élus, peu nombreux, ne siègent pas et lorsqu’ils viennent, tiennent des positions réactionnaires sur tous les projets, comme la transition écologique ou la lutte contre les discriminations. Leur discours clivant, qui parle à peu de monde, les cornérise.

Leurs militants répondent globalement à deux profils types: le traditionnel et le nationaliste. Le traditionnel vient de chez LR et cherche une certaine légitimité auprès des barons locaux en représentant l’UNI lors de cérémonies officielles. Il est souvent aisé, il tient les responsabilités et la ligne politique de l’orga. C’est typiquement le genre de personne qui va ensuite rejoindre les rangs de collaborateurs d’élus de droite avant de prendre du galon et de pouvoir prendre un siège. Le nationaliste quant à lui, est un militant plus violent, moins formé politiquement et qui partage du contenu de partis d’extrême droite sur ses réseaux. Il est le militant de base, il peut prendre des responsabilités uniquement lors de circonstances particulières mais son côté “border” oblige les dirigeants de l’orga à le garder un oeil.

Ces profils sont schématiques mais représentent bien le fonctionnement des organisations d’extrême droite, schémas que l’on retrouve dans le film documentaire “La cravate” de Mathias Théry et d’Etienne Chaillou sur des militants du RN (1).

La cocarde etudiante : la nouvelle coqueluche du RN et de Reconquete

En 2015 arrive la Cocarde Étudiante, une scission de l’UNI, jugée trop peu radicale sur la question de l’immigration. Elle va reprendre de plus en plus de place dans les années 2020 après avoir été soutenue par les militants du RN, puis, depuis 2022, par les militants Reconquête.

À Nantes, la Cocarde n’a émergé qu’en 2023 grâce à un relais local du RN. Elle est assez inexistante sur les campus nantais et se fait remarquer uniquement par des actions coups de poing partagées sur les réseaux sociaux.

Nantes Université possède plusieurs campus hors de la ville comme à Saint-Nazaire où la Roche-sur-Yon et c’est en Vendée où ils puisent leur base militante. Peu étudient à la fac car la grande partie viennent de l’ICES, université catholique privée soutenue par Philippe de Villiers et où son fils, actuel directeur du Puy du Fou, a étudié.

La Cocarde est neuve et reste assez déconnectée des élections étudiantes. En début d’année 2024, ils ont tenté de mettre en place une coordination nationale pour déposer deslistes partout en France dans le cadre des élections CROUS mais leur tentative a échoué. Les dépôts de listes dans plusieurs régions, dont Nantes, ont capoté par amateurisme. Ils n'ont pas réussi à trouver 8 personnes ayant le statut d’étudiant, provenant de différents établissements et filières.

Les membres de la Cocarde s'intéressent peu aux questions des conditions d’étude. Ils ne cherchent qu’à créer la polémique en s’emparant des sujets de société uniquement par le prisme de l’immigration. Le profil des militants est comparable à ceux de l’UNI et de la plupart des groupuscules d’extrême droite. Ils sont majoritairement issus de la bourgeoisie blanche et catho. Les étudiants qui sont à la Cocarde s’y retrouvent car ils savent qu’ils sont entre eux là-bas, des gens de la même classe sociale, avec les mêmes idées.

Les membres de l’organisation s’affichent masqués sur leur réseaux sociaux. Par contre, ce qu’ils ne cachent pas sont les liens qu’ils peuvent avoir avec des partis mais aussi avec des militants néo-fascistes ou royalistes qui viennent de toute la France. Ils ont accueilli Victor Aubert, fondateur de l’Academia Christiana (Institut de formation nationaliste) et proche du groupuscule d’extrême droite angevin l’Alvarium (depuis dissout par Darmanin). Ils invitent également d’anciens élus RN réputés pour leur négationnisme ou pour avoir promu des idées complotistes comme celle du grand remplacement.

La Cocarde à Nantes risque de vouloir persévérer dans son implantation sur la fac, notamment à la rentrée prochaine. Électoralement, c’est l’UNI qui devrait s’inquiéter car ils ont le même électorat et les mêmes cibles. Mais d’un point de vue idéologique, la cocarde à Nantes signifierait l’installation d’une nouvelle vitrine de l’extrême droite qui ne cacherait plus ses actions et ses pensées. Un danger.

Ne rien ceder et cooperer pour mieux lutter

Les institutions comme les universités ne sont structurellement pas faites pour agir correctement face à la menace. Prendre position sur ces sujets est jugé trop clivant ou trop polémique. Cela pourrait être vu comme pouvant porter atteinte à l’image de l’établissement, mais aussi et surtout à celle de la direction. Les universités, déjà dans de piètres états, se risquent de moins en moins aux prises de positions politiques publiques par peur de devoir gérer des séquences médiatiques intenses ou de se voir couper leurs vitales subventions.

Les syndicats étudiants de gauche ne doivent se soumettre à aucune menace ni à aucune pression. La présence de ces organisations d'extrême droite et des messages qu’elles portent reste une anomalie et un problème majeur contre lequel les syndicats progressistes et les étudiants doivent s'ériger. C’est là que vient l’importance de former politiquement les militants syndicaux mais également de poursuivre la politisation massive des étudiants. À travers les pensées de l'extrême droite, il y a un projet de société, ce qui veut dire qu’il faut être clair dans ses idées pour faire barrage et s’engager pour un autre monde.

Les organisations politiques à travers leurs élus et leurs militants doivent également se former et coopérer au-delà des divisions partisanes pour répondre au mieux à la menace. Cette coopération peut prendre différentes formes comme des services d’ordre communs pour les réunions publiques ou par le soutien de camarades et de citoyens menacés ou agressés.

Les syndicats s’organisent déjà à travers le réseau VISA (Vigilance et Initiatives Syndicales Antifascistes), qui mériterait d'être étendu et popularisé.

Des groupes antifas font le travail dans la rue en menant l’action directe et servent également de base de ressources, de formations et de décryptage de l’extrême droite. Ils servent de digues et encaissent les coups pour remettre l’extrême droite à sa place, dans les poubelles de l’histoire.

La lutte antifasciste est tout ce qu’il y a de plus républicain. Elle n’est en rien radicale ou extrême, elle est nécessaire. Les idées de l’extrême droite s'institutionnalisent de plus en plus à cause de paniques morales imposées et propagées, avec une certaine complicité voire une pro-activité, par les médias et les partis politiques. Elles ne s’arrêtent plus aux frontières de certaines organisations politiques, elles se diffusent dans la tête de nombreux libéraux. Il n’y a plus de garde-fou à la tête de l’Etat, le boulevard a été inauguré.

Nous devons tous être antifascistes car face au pire qui vient, il n’y a pas d’autre alternative. La seule réponse: ne rien céder, ne rien lâcher, coopérer.


Martin Renou-Marzorati


(1) Film “La Cravate” disponible gratuitement sur Facebook : https://www.facebook.com/cinemasaintmichel/videos/2460303467555831/

© 2024 FAIRE MIEUX - TOUS DROITS RESERVES

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