Insecurite a Reze : la France a peur, tous les soirs a 20h
20h de TF1 le 01/06/22 « Rezé : une ville face au fléau des cambriolages ». Un beau bandeau pour faire frissonner dans les chaumières rezéennes ! Et TF1 d’envoyer un « reporter » sur place. Bien entendu, celui-ci passera rapidement sur le fait que c’était le cas en 2020 (624 faits constatés) mais que, depuis, les chiffres des cambriolages ont drastiquement baissé (258 faits constatés en 2023) soit une baisse significative pour s’approcher de la moyenne des villes comparables. Le projecteur est mis sur cette dame de 62 ans, traumatisée par cette intrusion dans son intimité ou sur cette ménagère de moins de 50 ans qui a fait équiper sa maison d’une alarme qu’elle enclenche même pour emmener ses enfants à l’école ! La dramaturgie est en place mais l’analyse… pourquoi faire ? Comme le chantait Mickey 3D, tant que « la France a peur, tous les soirs à 20h » !
Alors d’où vient cette soudaine envie de la part de TF1, reprise par BFM le même jour, de s’intéresser a Rezé ?
L’origine est à trouver dans un classement du Figaro des villes les plus cambriolées de France. Et oui, le Figaro aime les classements : meilleur lycée, grandes écoles et donc, maintenant, les cambriolages. Ce grand quotidien ne saurait passer à côté de l‘occasion d’alimenter le sentiment d’insécurité. Mais une analyse des causes comme on pourrait l’attendre de journalistes ? Que nenni !
Pourtant, c’est une étude du Ministère de l’Intérieur qui permet d’expliquer le phénomène. En effet, selon celle-ci, les délits répondent à des déterminants sociaux, démographiques et économiques. Dès lors, on s’aperçoit que la concentration des cambriolages est plus importante dans les périphéries des grandes villes, là où les maisons individuelles prédominent. A cela s’ajoute un accroissement majeur des inégalités sur le territoire rezéen.
Selon l’Insee, entre 2008 et 2019, le chômage a augmenté de 20 %, représentant 9,1 % de la population de la commune soit un chiffre supérieur à la moyenne nationale. Dans le même temps, le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur, avec comme présupposé un capital plus élevé, a bondi de 45 %. Paupérisation des uns d’un côté et, de l’autre, installation de ménages plus aisés constituent un terreau favorable. A cela s’ajoute la fermeture du commissariat le week-end, si bien que la municipalité a dû demander des renforts. Ainsi, 13 policiers nationaux ont été alloués à la sécurité du territoire municipal.
C’est dans ce contexte et, suite au focus médiatique sur la ville, qu’a eu lieu la consultation citoyenne pour instaurer une police municipale. La fin du reportage de TF1 sur les cambriolages mentionne cette consultation, laissant à penser que cette police municipale pourrait endiguer les cambriolages. Avec une faible participation (20,08%), c’est donc 1 électeur sur 5 qui s’est déplacé et a répondu OUI (71,85%) mais, a-t-il bien en tête que la police municipale qui va être mise en place n’aura ni les moyens ni les prérogatives pour lutter contre les cambriolages ? C’est davantage le rétablissement des dispositifs de police de proximité abandonnés en 2003, la réouverture du commissariat à temps plein ou encore une vraie politique sociale d’État qui seraient en mesure de réduire les inégalités et donc les délits mais, ce n’est pas dans l’air du temps : ça coûte un pognon de dingue la paix sociale !
En attendant, des collectifs de « voisins vigilants » ont fleuri
“Stop à l’insécurité à Rezé” est né ainsi en 2020. Ce groupement est à l’initiative d’anciens de la liste de la majorité municipale battue lourdement aux dernières élections, rejoints par des élus En Marche. Peut-on y voir une petite envie de revanche contre l’équipe municipale actuelle? En tous cas, ils ne sont pas les premiers puisque le collectif “Voisins vigilants et solidaires” est actif nationalement depuis 20 ans et a, bien sûr, ses adeptes parmi certains habitants de la commune. Réseau de voisins “solidaires”, admettons… désintéressé, c’est moins sûr: ainsi, on peut commander des goodies pour convaincre d’autres sympathiques voisins de rejoindre le mouvement. La boutique propose le logo, en l’occurrence un œil sur fond jaune, façon loft story, décliné en autocollants, tracts et autres panneaux.
Un vrai militantisme de la surveillance! Alors, on s’épie, on surveille et on signale les individus « louches », surtout s’ils ne sont pas blancs… Citons le témoignage édifiant de René (le prénom a été changé par souci d’anonymat mais le texte est retranscrit tel quel…) :
“La semaine dernière cartier de la blodiere vers 1h30 une maison à été forcer par des roms une Mercedes noire à été mise en fuite par les voisins il ont forcer la porte d’entrée la police a été prévenu mais pour la mairie les cambriolages sont en baisse bravo”. Sans commenter les difficultés orthographiques de René, à mon tour de lui dire bravo pour son implication dans le mieux-vivre ensemble.
Maintenant, une petite mise en garde aux habitants d’Orvault et Saint Sébastien qui pourraient subir le même sort médiatique que Rezé : le classement du Figaro pour les cambriolages vous place à la 3ème et 6ème place. Alors, préparez-vous à accueillir un « grand reporter » de TF1 et des démarcheurs pour l’installation d’alarmes! Le sentiment d’insécurité fait vendre alors, pourquoi s’attaquer aux causes quand on peut alimenter le capital et promouvoir les politiques sécuritaires en place ?